Je pourrais te parler
Des promesses faites au vent
Que les bourrasques du temps
Ont disséminées
Au passage
Dans la plaine sacrée
De nos âges
Je pourrais te parler
De nos destins retracés
Dans les veinures intriquées
Des feuilles fertiles
Et ridées
Dans les traits juvéniles
De nos idées
Je pourrais te parler
Du ciel et de ses images
De la dentelle des nuages
De nos regards futiles
Egarés
Dans l'instant fragile
Et azuré
Je pourrais te parler
Des rayons arides
D’un soleil candide
De la lumière
Alanguie
Sur le visage lunaire
Des tuiles polies
Je pourrais te parler
Du triomphe de plein coeur
Des oiseaux migrateurs
Du cortège aérien
De leurs cris
De victoire païens
Et de nostalgie
Je pourrais te parler
De l’espoir verdoyant
A la chair filandreuse
Du bourgeonnement
De la nature rêveuse
Je pourrais te parler
Du monde
Et ses ailes
Aux plumes fécondes
Et immortelles
Mais je voulais te dire
Que les cloches ont sonné
Sans crier garde
Que les cloches ont sonné
Dans une plainte hagarde
Je voulais te dire
Que les rues vibraient
Sous la semelle de papier
De mes souliers
Que mon coeur battait
En syncope
Seul à l’encontre du rythme
Du monde
Et je me suis immobilisée
Au milieu de l’avenue
Ingénue
Un peu trop vaste
Un peu trop lasse
Je voulais te dire
Que la ville vivait
Dans son lyrisme
Que des passants m’ont frôlé
Dans leur hâte et leur mutisme
Et j’ai vu des bribes de vies
Epanouies
Des chemises immaculées
Blanches et repassées
Des manches noires en flanelle
Des tissus heureux
De coton rapeux
Comme les cris des corneilles
Je voulais te dire que les cloches ont sonné
Qu’elles m’ont prise par surprise
Comme le printemps ces dernières années
Je voulais te dire que les cloches ont sonné
Sans apporter de fleurs
Ni de verdure
Je voulais te dire que les cloches ont sonné
Dans la fraîcheur
D’un jour qui dure
Et les cloches sonnaient
Avec obstination
Et les cloches tintaient
Sans conviction
Ou peut-être étais-ce mon coeur
Mon petit coeur trop fébrile
Et l’écho de la ville
Et de sa torpeur
Et les cloches sonnaient
Toujours
Et aux alentours
Je voyais
Du blanc lessivé
Du noir cotonneux
Des regards baissés
Et des cils brumeux
Et les cloches sonnaient
Toujours
J’aurais pu te parler
Du printemps
De son sourire fleuri
Des promesses du vent
Et de ses prophéties
Mais je voulais te dire
Que les cloches stériles
Ont sonné dans la ville
Ce matin
Et j’ai eu honte
Des rêves véniels
Et de l’azur du ciel