Soirées languides
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On court les rues pavées le soir, Etroite folie des adieux, Juin intime, dans la volupté des nuits chaudes, On enveloppe les fiertés, Tard encore, Sur les terrasses, - On aime sans savoir. Appesanti de la douceur des retrouvailles, Rêvées, contrariées, éprouvées, Ton regard oublieux, s’égare. A la hâte, on s’établit, Tes bras, s’étirent derrière la table. Deux fauteuils s’affrontent en face à face, L’inattendu exige -l’immédiat, l’entier, l’interdit, Supplice à la consommation des âmes, Il ne me reste que tes livres, le flou, - Un monde, qui nous sépare. Tes lèvres - débitent, ricochent, s’attardent, S’égosillent de mots savants, Qui ne savent plus trouver le cœur- Mille fois répétés, Imprégnés de l’indicible labeur. Virilité candide, Ton désir est - impérieux, supérieur, exalté, Tes yeux sombres et taiseux, trahissent La conquête - orgueilleuse ardeur. Eternelle ingénue, la nuit fait jour, sur ma crédulité. A l’heure du café, Pensées serrées - Je tolère Ta main, sur ma cuisse, Appuyée, le regard nu. Traits tendus, mémoire inquisitrice, Mon corps indigeste - Se mue, En dégoût du bleu, - Fuit, se jette presque à la fenêtre Au dehors la ville s’éveille, Humiliée – A rebours, il faut reprendre ces rues.
De l’ailleurs - Sans doute faut-il aller au-delà de cette étrange période, De ces ruelles ensommeillées qu’on arpente encore et encore, De ces cafés qu’on boit tièdes dans l’agitation du petit jour, Du froid qui saisit les pensées et lie les mains, De ces petits pas feutrés sur le rebord des trottoirs Ces clochers, bleus de nuit, Ces visages qu’on abandonne à la brume Errer encore et encore, Dans ce flou qui insurge à la rencontre Et parfois il reste, Cette amertume scellée au fond de la gorge De cette curiosité de l’ailleurs, laissée là, pendante, grandissante .. - Il faut mettre des mots sur cette joie sourde, Sur cette liberté fiévreuse qui habite, Se dire que l’on pourrait très bien se contenter de cette tranquillité – substitut du bonheur De l’ivresse du manque, de la nostalgie, Prêter à cet inconnu présent toutes les vertus du temps, De ce bonheur qui a l’amertume des adieux, Qu’on essuie dans la nuit sur l’oreiller Des appétences qu’on délaisse Celle des choses complexes, qu’on apprend, qu’on sait par cœur Désir d’une éternité d’instantanés, Sans promesses, De lendemains de velours, De ces soleils qui vous pétrissent les viscères.
L’orage à Savudrija - Qu’il serait doux, De rester là à attendre, La morsure sur ma peau, Le fer au fond des os, Qu’il serait doux d’attendre, L’ombre du monde en retour, L’inutile souvenir. Qu’il serait doux de rester là, Sous l’orage pour fuir, Quand la nuit sombre sans retour.
L’entre deux -
A l'heure où coulent tes rêves J'irai semer le jour. Quelle heure est-il là-bas ? J'irai je le jure, Labourer le bleu des nuits. Sais-tu que l'heure souffre ? Mais j'irai, Visser l'espoir au bois de ton lit. L'heure du grand vent approche - Son haleine de solitude béante, mais Ivre j'irai, Étreindre le vide sous l'abat-jour.