Quand le ciel des nuits dévoilait aux vogueurs
La course sublime des pourpres accalmies,
Leur galop me ramenait cette amère langueur…
- Sur les vents de l’éther mon enfance a dormi ;
Il y avait des nuits où je cherchais l’inquiet
Murmure des havres, amarré à la Toile
Comme une épave blême, et déjà je voyais
Le poète baigner dans le Spleen des étoiles ;
J’ai, par un temps d’hiver, pareil à la démence,
Su rêvé les mouettes et les galions recrus,
- Par l’éther j'ai fui l'étoile sans romance
Qui regrette le chant des nymphes disparues.
Voyageur, poète, je me suis élancé
Sur les villes, les cieux, les astres, les saisons,
Je voguais sur le philtre amer de mes pensées,
Fou, je me suis joué de la beauté du poison !
Par-delà la tempête où s’endort l’Harmattan
Je reconnus la muse à son œil orgueilleux,
Qui, pleine de larmes tel un vent de printemps,
A déjà jeté l’homme aux ciels oublieux !
Ô déesse, pourquoi ce creux dans ta Saturne
- C’est que les trop longues querelles de l’amour
Ont délaissé tes bords pour le vent taciturne
Qui souffle maintenant sous le bruissement du jour ;
- C’est que tu entendis un soir, ô Galatée,
Lasse de tout marchand, pâle tel l’hellébore,
Un vaisseau revenant de tes azurs lactés
Qui laissa sur ton cœur tomber l’ombre qui dort.
Je trébuchais, pareil à un enfant pressé,
Sur les ponts remontant silencieusement
Des lyres rappelant les sirènes blessées :
- Le silence revenait plus sourd qu’un gémissement ;
Pires qu’aux océans le déluge et l’éclair,
J’ai attendu l’aube céleste et nébuleuse,
Des soirs entiers, l’aile de quelques soleils clairs,
Ramener l’alizé dans ma voile amoureuse.
Dans la solitude des étoiles, enfant,
J’ai eu l’insouciance de rêver sous les hunes,
Et n’ai pas observé de sort plus triomphant
Que le clair des voûtes et le miroir des lunes.
J’ai entendu pleurer, se mourir milles mondes,
Et des sanglots sans noms dérober ta raison,
Fut-ce toi que je vis, ô lueur vagabonde ?
- Et ô ces navires, fendant vers l’horizon !
Octobre - Novembre 2022