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Rault Tobias

La Prose des Jours 

 

Les jours sont tristes comme des artistes  

ne laissant tomber  

que des fragments incertains 

On parle de morts jetés dans la Mer Noire  

de pays qui n’existent presque plus 

Pourtant si je m'abandonne un instant 

aux sursauts de ma mémoire 

je me souviens que nous étions au printemps  

et que tout allait commencer et s’arrêter pour moi 

 

Et soudain la dernière réminiscence  

Et le mot n’est jamais tout à fait juste  

car j’étais dans les derniers jours de mon enfance  

et je laissais derrière moi pourvu que cela me sert  

toute mon existence 

S’arrêter  

alors qu’on a toujours été en route 

Et commencer ce dont on ne sait rien 

 

Alors je fuis 

Je me suis perdu à Florence  

les 9 pages du bateau ivre  

pleurent sur les collines d’oliviers en étages 

Les eaux vasardes de l’Arno  

ont épandu Stendhal dans le brasier ardent  

de la jeunesse et de l'art 

Florence  

ville en suspens  

sur la gorge de Méduse  

dans l’ancienne Renaissance 

 

Je pense je pense 

Je me souviens de mes ancêtres 

qui se sont battus dans des déserts d'existence  

Dépassés par leur temps loin de toute humanité 

par l’enchainement tonnerreux des époques 

et des guerres 

J’ai versé ma parole puis leur mémoire 

Je n’écris plus sans penser à eux 

 

À Paris brule la Pharsale moderne 

dort toute une insurrection 

Je pense à mes vers  

aux rues papillotées de grands aigles en or  

à cette fille sur les quais de la Seine  

mais surtout à mon pauvre cœur plus désœuvré encore  

que ne l’a été mon enfance  

J'ai dû faire le tour du monde des idées 

Et pourtant 

c'est que bat sous ma paupière le cadran d’une impossible horloge 

qui a connu toutes les tournures du vers 

 

Je dédie ce poème à ceux que tue notre époque 

ce titre trop général  

ces quelques lignes à peine finies 

d'une jeunesse oisive en avance sur son temps 

et en retard sur elle-même 

 

Janvier - Mars 2023 




Envoyé: 22:35 Sat, 11 March 2023 par: Rault Tobias