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MOONS Egline

Lorsque tu tomberas, tu te relèveras !

Nouvelle : « Lorsque tu tomberas, tu te relèveras ! »

 En temps de guerre, 4 décembre 2038

-Je peux savoir ce que tu fais ? Je sursaute. En me retournant, je vois Will, mon frère me regarder avec dégout, comme il me regardait toujours.
-Je m’entrainais, un problème ? répliquais-je en montrant mon pistolet laser (Pas un vrai, seulement des lumières pour m’entrainer à viser)
-Tu vas arrêter oui ? Tu n’es pas un garçon ! Fais plutôt la vaisswatch1 avec m’man. Je soupire, nous sommes en 2038, et pourtant, le sexisme n’a toujours pas disparu. La guerre, par contre, est revenue. Beaucoup de gens avaient prévu une Troisième Guerre mondiale bah… la voilà. Mais, maintenant les filles ont également le droit de faire partie de l’armée, à conditions que l’un de leurs parents signe un papier pour donner leur accord. Et justement, cet accord, je ne l’ai pas. Or, j’aimerais tellement l’avoir ! Je déteste rester là alors que d’autres se battent pour leur pays. Rester là à ne rien faire, à voir les autres autour de soi mourir pour toi… c’est mille fois plus dur que de faire partie d’une armée sévère.
-De toute façon, reprit Will, tu peux bien rêver mais jamais tu ne feras partie de l’armée. Maman vient de me dire qu’elle va t’inscrire pour que tu sois un médecin.
-Quoi ?! Je… Je ne trouvais plus les mots. Comment « maman » osait-elle choisir sans demander mon avis ?
-Je ne te comprend vraiment pas, dit Will. Tu dis que tu veux sauver des gens et te battre pour ton pays, alors être médecin serait le métier parfait pour toi, non ? Will sortit de ma chambre. Moi, j’étais furieuse contre ma mère et je courrais vers elle. Je savais pourtant bien que cela ne changerait rien. Ma mère ne changeait jamais d’avis lorsqu’une idée lui passait par la tête.
-Maman ! Tu m’as inscrite comme médecin ? Ma mère, laissant tomber le maquille-cran2 dont elle venait de se servir pour se noircir les yeux se retourna, l’air furieuse.
-Jessi ! Je t’ai déjà dit de frapper à la porte ! Dit-elle, agacée. Et oui, je t’y ai inscrite.
-Tu sais bien que je ne veux pas faire ça ! Tu sais bien que je veux faire partie de l’armée ! m’écriais-je sans réfléchir.

-Fais attention à ce que tu dis, jeune fille, dit ma mère d’un ton froid. Ce même ton qu’elle utilisait toujours, du moins, avec moi. Maman ne m’a jamais beaucoup aimée, elle a toujours préféré Will, et moi, je n’ai jamais beaucoup aimée maman, j’ai toujours préféré papa. Lui, au moins, s’en fiche des différences, pas maman, qui répète sans cesse que je suis bizarre, que je ne suis pas assez féminine, ou d’autre choses encore.
-Tu n’as pas ton mot à dire là-dessus, Jessie. Nous sommes tes parents, alors c’est nous qui décidons, un point c’est tout.
-Mais c’est ma vie non ? Pas la vôtre !
-Là n’est pas la question, tu vas à présent suivre une éducation pour devenir médecin et après, tu soigneras des gens de l’armée, et d’une certaine façon tu en feras partie. Alors ne fais pas ta petite fille ingrate, car tu commences à m’énerver. J’imagine que tu ne veux pas avoir de punitions ?
Je savais bien que je ne pouvais plus rien faire et je partis donc de la chambre de ma mère d’un pas furieux. Will, lui, allait faire partie de l’armée, et pourtant, il était loin d’être aussi enthousiaste que je l’aurais été dans son cas. Papa fais déjà partie de l’armée, il est d’ailleurs le commandant Rigword, le deuxième plus important dans la guerre, et ça lui arrive de revenir gravement blessé. Chaque soir, on croise les doigts pour qu’il revienne vivant. Certains de mes amis vont également faire partie de l’armée, mais la plupart ne le veulent pas.

 

1 vaisswatch, c’est la vaisselle que j’imagine en 2038. Ce serait une sorte de robot qui met la vaisselle lui-même dans le lave-vaisselle, mais il faut quand même lui passer les assiettes.

2 Un maquillage avec une sorte d’écran à l’intérieure qui permet de changer non pas un peu, mais complètement d’apparence grâce à l’illusion de l’écran.

19 Janvier 2041

Cher journal, je t’ai enfin retrouvé, sous mon lit, couvert de poussière. Depuis la dernière fois que j’ai écrit dans ce livre, j’ai fait des années d’études de médecine. Ce jour-là, j’avais onze ans ; or à présent, j’en ai quatorze. Donc, en gros, ça fait trois ans. Je ne sais même pas pourquoi je dis tout ça, après tout, tu peux le calculer tout seul. Ah non, chuis bête, un journal ne sait pas calculer, bon tant pis… Bref. Nous sommes le 19 janvier 2041, ce matin j’étais encore à l’école. Je sais, j’effectue le travail de médecin, je fais des études de médecin et l’école en même temps, mais bon, c’est assez récent à présent, dans la Troisième Guerre mondiale, de faire cela. A l’école, je me sens bien, et surtout, surtout, je me sens en sécurité. Là-bas dans la cour avec mes amies, en jetant des boules de neiges en riant, on oublie presque que les soldats d’aujourd’hui sont en train de jeter des missiles sur le champ de bataille, qui ressemble pourtant tellement à ces boules de neiges, mais qui sont en même temps tellement différents.

Bon, je vais peut-être arrêter avec ces belles paroles, ou tu croiras peut-être que je suis une vielle grand-mère. Ah non, j’avais oublié que les journaux intimes ne croient pas. Ce n’est pas plus mal après tout, d’ailleurs je crois même que c’est pour ça que je t’aime. Bref ! Après l’école, j’ai dû aller à l’hôpital, pour effectuer mon travail de médecin. Bon, sans vouloir frimer, j’avoue que je ne suis pas un mauvais médecin. Mais être douée ne veut pas dire aimer, je veux dire… c’est tellement démoralisant de voir tous ces gens en train de mourir ! Plutôt aller sur le champ de bataille et faire crever ces idiots qui ont commencé cette guerre ! ça, au moins, ça aurait été encourageant ! Je me rappelle ce bon vieux temps (C’est officiel, je parle comme une grand-mère) où tout le monde dormait dans le cours barbant d’histoires sur la Deuxième Guerre mondiale… maintenant, je les comprends. Mais eux, au moins, n’avaient pas la technologie d’aujourd’hui, cette technologie qui permet de tuer le plus de monde possible…

Je rentre donc dans l’hôpital et traverse les couloirs blancs. Je me mets dans un vestiaire pour mettre mon uniforme et je descends les escaliers pour retrouver madame Van De Bergen, enfin, je crois que ça s’écrit comme ça car c’est une Néerlandaise qui a un accent très marrant en français. (C’est une des seules choses amusantes à l’hôpital). Elle est très sympa et toujours joyeuse. Je suis sure qu’elle se serait habillée tout en jaune fluo et d’autres couleurs flashys si on n’était pas obligé de porter ces uniformes blancs démoralisants. A mon avis, ça aurait justement été mieux de porter des couleurs colorées, car cela aurait peut-être enthousiasmé les patients. Enfin, je ne sais pas… au bout du couloir, j’aperçois Madame Van De Bergen. Bien que je sais écrire son nom (enfin je crois), j’avoue que le prononcer est mille fois plus compliqué… Parfois, madame Van De Bergen m’apprend des mots en Néerlandais, et vue qu’elle devient presque elle-même patiente de l’hôpital en s’étouffant de rire à chaque fois que j’essaye de le prononcer, j’imagine que mon accent dans cette langue étrange est au moins aussi grave que le sien en français.

-Hallo, bonjour ! dit-elle en me voyant, tout en faisant de grands signes de mains avec un sourire jusqu’aux oreilles. Parfois, je me demande si elle sait bien que nous sommes en guerre, mais j’admire quand même sa bonne humeur.
-Bonjour, dis-je en lui rendant son sourire.
-Dus, comment va ma kleine assistante préférée aujourd’hui ? Demanda-t-elle.
 Ah oui c’est vrai ! J’avais oublié de préciser que je suis son assistante. Ensemble, on rentre dans la salle de Carla. Jusque 19 heure, tout est calme l’hôpital, enfin, avec « calme » je veux dire l’ambiance d’avant la guerre, c’est-à-dire, les patients qui n’ont rien avoir avec la guerre, ils sont juste malades ou ils ont eu un quelconque accident, genre cancer, grippe, accident d’aitovoit  (c’est une voiture volante), ou des choses comme ça… 

Mais après 19 heure, les blessés de la guerre viennent et c’est la grande panique. Les blessés de la guerre sont prioritaires et on laisse les autres patients pour un moment, à part les assistantes qui doivent continuer à s’en occuper. Même si je ne les soigne pas, je vois quand même ces soldats gravement blessés dans des lits roulants poussés par des médecins qui traversent les couloirs, ce qui n’est vraiment pas agréable à voir…

Je regarde ma montre. Il est seize heure dix-neuf. Lorsque Carla me voit, son visage s’illumine. Chaque jour, Madame Van De Bergen et moi allons vers elle pour s’occuper d’elle. S’occuper d’elle consiste seulement à lui donner à boire, lui donner des médicaments à des heures précises et, lorsqu’elle a mal, il faut soit lui donner un léger sédatif, soit la soulager avec une crème bleu clair. Mais ce dont elle avait surtout besoin, c’était de la compagnie. Carla a eu un accident, cela l’a touchée à la tête et elle a été victime d’amnésie. Elle ne savait même plus son nom. Ses parents ne l’aimaient plus depuis, la trouvant stupide. Ils ont demandé au conseil le droit de changer son nom, vue que, de toute façon, elle ne se rappelait pas le précédent. Le conseil a accepté et ses parents l’ont appelée « Karma », comme pour dire « Bien fait pour toi ! ». Madame Van De Bergen et moi refusons de l’appeler ainsi, c’est trop méchant ! On l’appelle donc « Carla ». Au début, je n’étais pas enthousiaste de prendre soin d’elle, car je voulais absolument aider un blessé de la guerre ! Mais j’ai compris qu’il n’y pas que la guerre, et Carla est tellement touchante que je n’ai pas mis longtemps à la prendre sous mon aile. Je la vois comme une petite sœur. Bien-sûr, cela ne veut pas dire que je n’ai plus envie de faire partie de l’armée, l’envie est toujours aussi intense. Le truc c’est qu’elle-même ne sait pas qu’il y a une guerre, car ça aussi, elle l’a oublié, or, Moi et Madame Van De Bergen n’avons toujours pas eu le courage de le lui dire, mais bon, cela peut venir plus tard, pas vrai ?
-Jessi ! S’écria Carla avec enthousiaste.
-Salut Carla ! je réponds, aussi contente qu’elle.
-Bonjour Carla, as-tu encore soif ? Demanda Madame Van De Bergen d’un ton calme. Selon elle, il fallait rester très calme en présence de Clara, car le contraire risquerait de la brusquer. Au début, j’écoutais bien ses conseils mais vue que Clara est souvent elle-même excitée, je me laisse aller.
-Non merci, Madame Van De Bergen, répondit poliment Clara avant de se tourner vers moi. On rejoue à Duls ? Duls est notre jeu préféré à toutes les deux. Il s’agit d’un jeu de mémoire, ce qui touche énormément Clara, car elle veut tout savoir de ce qui a un rapport à la mémoire.
-Avec plaisir !

Tout se passa comme prévu jusqu’à dix-huit heure quarante-trois. Une infirmière est venue dans la chambre, l’air paniqué.
-Nous avons besoin de vous ! dit-elle à l’adresse de Madame Van De Bergen. Madame Van De Bergen se leva immédiatement.
-C’est à propos de… En disant cela, Madame Van De Bergen mima un pistolet, en prenant garde que Clara ne la voie pas, vue que celle-ci n’était toujours pas au courant à propos de la guerre. L’infirmière hocha vigoureusement la tête. Madame Van De Bergen et elle quittèrent la salle alors avec hâte, me laissant seule avec Clara. Clara se tourna vers elle, l’air inquiète elle commençait à paniquer de ne pas comprendre ce qui se passait. Elle posa alors plein de questions auxquelles je savais que je ne pouvais répondre. Je tentais de la rassurer mais je ne l’avais jamais vue aussi stressée. Finalement, Madame Van De Bergen avait bien eu raison en disant qui ne fallait pas la brusquer. Je savais bien que je devais rester auprès de Clara, mais j’étais tellement curieuse de savoir ce qui se passait… je regardais avec envie la porte et je me levais déjà pour partir quand l’infirmière revint.

-J’ai besoin de toi, m’a-t-elle dit, nous sommes à court de personnes. Je me levais directement, et sans jeter un regard à Clara, sans me douter une seul fois que ce serait peut-être la dernière fois que je la verrais, je sortis de la salle et suivis l’infirmière. L’infirmière m’amena au troisième étage de l’hôpital, et mon cœur se serra : c’était là qu’étaient mis les patients blessés de la guerre, et pourtant il était loin d’être dix-neuf heure. A travers une porte ouverte dans le couloir, elle vit Madame Van De Bergen penché sur un patient plein de sang. Mais…. C’était Kenny Batonpoint ! Le plus important de toute l’armée ! Mais ce n’était pas là que l’infermière m’amena, elle m’amena juste à côté. Lorsque j’ouvrit la porte, j’eus un vrai choc. C’était mon père qui était là, plein de sang. Il me regarda, le regard brillant de larme mais sourit tout de même. Je ne doute pas que je pleurais également, mais j’étais trop choquée pour le remarquer. Lui et moi savions qu’il allait mourir, et qu’il n’y avait plus rien à faire, mais il était le seul à l’accepter.
-Je… papa, je vais appeler quelqu’un qui saura comment t’aider je…
-Jessie
, me coupa mon père. Si toi, tu n’arrives pas à régler ça, alors nous savons tous les deux que personne d’autre n’y arrivera. Et il avait raison, je le savais bien. Car même si je n’ai pas encore fini mes études de médecine, je connais déjà beaucoup dans cette matière malgré le fait que ce travail ne me plait pas. J’avais du mal à retenir mes larmes, mais je le fis quand même. Pour papa. Pour que le dernier visage de sa fille ne soit pas le visage d’une gamine gémissante mais d’une femme courageuse.

-Papa, dis-je d’une voix tremblante. Papa, laisse-moi te venger.

- …
-Papa s’il te plait… suppliais-je. Mon père toussa. Ce n’était vraiment pas agréable à voir, et je me retins de fermer les yeux : Je ne voulais pas que la dernière image de mon père fût de voir sa fille qui ne voulait pas faire face à la vérité.
-D’acc… d’accord. Je retins mon souffle. Venais-je d’avoir l’accord de mon père pour réaliser mon rêve ?
-Mais, à une condition, continua mon père. Promets-moi…  il toussa encore une fois. Lui et moi savions que, s’il toussait encore une fois, il mourrait.
-Que dois-je promettre ?

-Promets-moi que lorsque tu tomberas tu te relèveras. En disant cette phrase, mon père me regarda comme si c’était la phrase la plus importante du monde, la phrase qui lui avait permis de survivre si longtemps à la guerre. Moi, je ne comprends pas trop, et pourtant, j’ai promis.

C’est alors que mon père fouilla dans sa poche et en enleva une feuille un peu abimée mais on pouvait quand même lire ce qui était inscrit dessus.
-Tu as gardé mon document qu’il fallait signer pour que je puisse entrer dans l’armée ? J’étais très étonnée lorsque mon père hocha faiblement la tête.
-Je… voulais le signer… le moment venu. Maintenant, donne-moi un stylo Jessi s’il… te plait. Je dus chercher un instant dans la salle pour trouver un stylo et je le lui tendis. Il le prit et signa le document. Il me donna le document et rassembla ses dernières forces pour prendre sa casquette de militaire sur un tabouret près de son lit et me la donna également. Je la pris.
Et mon petit papa qui avait toujours été là pour moi toussa pour la dernière fois.
C’était seulement après avoir été certaine qu’il était mort que je m’autorisais à laisser une larme s’échapper de mes yeux. J’ai mis cinq minutes à regarder le corps sans vie de mon père. Mais à présent, je n’ai plus de temps à perde. Et je mis la casquette de papa sur ma tête.


20 décembre 2048
 

Bonjour cher journal, désolée de ne pas avoir écrit ces sept dernières années, mais j’ai été débordé dans l’armée. Ici, c’est sûr que ça ne rigole pas. Mais ne crois pas une seule seconde que je ne veux plus être dans cette armée ! Ah oui. C’est vrai, tu ne peux pas croire. Bref, je sais à présent ce qui s’est passé lors de la mort de mon père. Comme je te l’ai déjà dit, mon père est le deuxième militaire les plus important de l’armée. Or, cette fois-là, ils ont pris les plus importants pour cible et bien-sûr, vue qu’ils sont tellement importants, ils ont été emmenés en urgence sans respecter les bonnes heures à l’hôpital. En fait, je suis assez contente de ne pas être morte.

Au début, je me faisais des amies ici, mais au fil des années j’ai appris que cela ne servait à rien : Ils finissent toujours par mourir d’une façon ou d’une autre. Ah, et d’ailleurs, cher journal, j’ai oublié de te dire ce qui s’est passé après la mort de mon père. Eh bien, je me suis directement inscrite pour rentrer dans la guerre et je n’ai plus revu Carla et Madame Van De Bergen depuis. J’avoue que j’aurais peut-être dû leur dire au revoir… Suite à la mort de papa, Will est mort deux ans après. Je reste donc seule avec Maman. Oh ! quelqu’un sonne à la porte. Je vais aller ouvrir, et après je vais tout te raconter en détails.

Alors là… c’était… gênant. Devine qui était à la porte ? C’était Carla. Cela fait sept ans maintenant mais je la reconnais toujours malgré son visage changé. Ses cheveux sont plus lisses, ses jambes plus maigres et ses yeux plus éteints, et pourtant, dès que j’ai ouvert la porte, j’ai reconnu la Carla de l’hôpital, celle qui jouait avec moi au Duls.

-C’est toi Jessi ? A-t-elle dit d’une voix triste.
-Carla ? Elle secoua la tête.
-Je ne m’appelle plus Carla ni Karma. De toute façon, il n’y a aucune différence entre ces deux prénoms.
-Comment ça ?

-Karma, c’est le nom que mes parents mon donné, et ils m’ont laissée tomber, Carla, c’est le nom que toi et Madame Van De Bergen m’ont donné, et vous m’avez laissée tomber également. J’ai eu un choc. J’avais envie de me frapper, tant j’étais furieuse contre moi d’avoir laissé tomber ma meilleure amie d’enfance, j’avais envie de pleurer, de la serrer dans mes bras, de dire pardon lorsqu’une chose me vint à l’esprit : Elle a dit « et vous m’avez laissée tomber également ». Qu’en était-il de Madame Van De Bergen ?
-Et Madame Van De Bergen ? Elle t’a laissée tomber aussi ?
-Oui. Mais elle, contrairement à toi, elle n’avait pas le choix. Elle est morte d’une vilaine grippe qu’elle a eu en soignant un autre patient.
Sa voix se brisa. Je tombais à genoux. Je n’imaginais pas cette femme si joyeuse, si courageuse à présent enterrée dans un cimetière. Après un instant de silence, je me suis relevée mais Carla, ou je ne sais plus quel nom lui donner, était partie.


28 décembre 2048

Aujourd’hui, je suis arrivée dans le camp des militaires et le commandant James (Le nouveau commandant depuis la mort de papa, et c’est à présent lui qui se charge de donner les instructions) nous a donné une mission précise. On a dû mettre nos lunettes astriparleogique2 . Il nous a alors expliqué que lorsqu’on serait entré dans l’armée, on devrait s’introduire au dernier rang (c’est le rang des plus importants des commandants et des leaders) pour piquer une boite argentée, et, au cas où tu le demandes, cher journal (Je ne sais pas si je vais un jour capter que les journaux ne vivent pas), il ne nous a pas dit ce qu’il y a dans la boîte. A mon avis, cette mission est un peu trop demandée : Personne n’a encore réussi à traverser vivant plus que le troisième rang du camp adversaire, or, le dernier rang s’avère être le neuvième. J’ai enlevé alors mes lunettes car je pensais que le commandant avait fini de parler et j’ai vu les lunettes des autres commencer à devenir noires (Cela veut dire qu’il n’y a plus rien à voir). Mais pas les miennes. Les miennes sont restées jaunes. Je les remis et le commandant James recommença à parler :
-Certains d’entre vous m’entendent encore, et non, ce n’est pas une faute, j’ai fait exprès de garder vos lunettes connectées. Je veux juste encore vous dire une chose. Vous avez une mission plus précise encore que les autres. Venez me rejoindre en salle F14. Merci.

Mes lunettes ce sont noircies et je les ai enlevées. J’étais stressée et curieuse en même temps lorsque j’entra dans la salle F14. Je n’avais jamais eu l’autorisation d’y aller jusqu’à présent. La salle F14 est une salle ronde avec des écrans en guise de murs. Au milieu, il y avait quelques coussins sur lesquels quelques personnes étaient assises. L’écran-mur était allumé et je pouvais voir Jordan en face-time6 me regarder avec un sourire.
-Salut Jessi, installes-toi, s’il te plait ! On va attendre les autres. Je fis ce qu’il me dit et je me suis assise.Cinq minutes plus tard, les coussins étaient tous pris (j’en comptais une vingtaine) et Jordan commença à parler.
-Bon. Au fait, commença-t-il l’air soudainement un peu gêné. J’ai déjà informé les autres des vrais plans. Vous êtes les seuls qui vont chercher ce coffre. Les autres se contenteront de se battre et de distraire le camp adverse. Vous, vous allez porter l’uniforme de l’autre camp et faire semblant de faire partie des leurs.
Tout le monde se figea : On avait fait un pacte au début de la guerre et le pacte était de ne pas duper l’autre camp en faisant semblant de faire partie de leur camp.
-Je sais, je sais, je n’ai pas oublié notre promesse continua le commandant James. Mais nous n’avons pas le choix : Ceci est peut-être le dernier jour où on sera sur le champ de bataille car si on réussit à prendre le coffret, on aura tous les moyens d’arrêter la guerre ! Il y eut des exclamations dans la salle F14.
-Pour éviter que notre camp vous fasse du mal en vous prenant pour le camp adverse vous devrez dire « NOIR-ec » à chaque fois qu’on essayera de vous attaquer. Ils sont au courant et arrêteront de vous agresser. Vous devrez aller au fond dans les rangs et prendre le coffret. Une fois que vous aurez le coffret, plus personne ne vous agressera, il vous suffira de brandir le coffre et ils arrêteront de se battre. Ils savent les conséquences. Par contre, en aucun cas, essayez d’ouvrir le coffre, de toute façon il faut une clé pour cela. Et ne le laissez pas tomber. Nous allons nous entrainez pour cela, ça a lieu dans 4 jours seulement. Des questions ?

Une jeune fille à l’air hésitante leva la main.
-Peut-on s’avoir ce qu’il y a dans le coffre ?

-Non, répondit James, l’air soudain sévère. Personne ne protesta. Une autre main se leva, celle d’un garçon cette fois. Il avait l’air d’un snob.
-Et pourquoi devons-nous chercher le coffre ?

A cette question-là, je connaissais déjà la réponse.

Nous étions des pions sans défense sur un tableau d’échec, entourés de chevalier et de tours, et de rois et de reines derrières. Or, on ne se permet pas de perdre n’importe qui.
La raison pour laquelle cette mission nous a été confiée à nous, ce n’était pas parce qu’on était particulièrement plus doués que les autres.
Non, la raison c’était que les pions, on se permettait de les perdre.

 

3 Ces lunettes sont comme une sorte de vidéo : lorsqu'on les met, on voit une personne et on peut l’entendre parler, mais on ne peut pas répondre. Il est possible que l’on contacte plusieurs personne à la fois avec la même « vidéo ».

 

Jessi s’est entrainée jusqu’au jour J. Aujourd’hui, lorsqu’elle s’est levée, elle a brossé ses dents, et senti ses mains moites.  Arrivée à l’armée, Jessi a dû porter l’uniforme de l’autre camp. Ils connaissaient déjà tous les codiques5 du camp adverse pour pouvoir entrer dans leur base.
Trois heures plus tard, c’est ce qui s’est passé. Ils ont été transportés jusqu’à l’autre base, ils ont tapé le code d’entrée et ils se sont faufilés parmi les autres. Tout se passait selon le plan. Pour l’instant. Jessi et les autres s’étaient séparés.

« Bon… ne reste plus qu’à attendre et prendre un air naturel ». Jessi leva la tête : une selicope4 s’était allumée. Tout le monde commença à courir vers le champ de bataille : il était temps de passer à l’action. Elle n’avait pas le droit d’aller trop vite, car elle devait rester dans les lignes du fond pour pouvoir voler le coffret. Jessie courra plus lentement en faisant semblent que c’était son maximum ; bientôt, elle se trouva dans les derniers rangs. Elle regarda en arrière et elle vit quelque chose qui brillait. Aucun doute possible : c’était la boîte en argent dont James avait parlé. Jessi voulait s’en rapprocher lorsqu’elle sentit une pression sur son épaule qui la fit basculer en arrière et qui la fit tomber à la renverse. Elle se retint de crier. Un garçon qui devait être un peu plus jeune qu’elle, mais qui pourtant avait l’air beaucoup plus sérieux et sombre s’était penché sur elle.
-Que fais-tu parmi les derniers rangs ? Je connais tout le monde qui fait partie des importants, et tu n’en fais pas partie, dit-il d’un ton glacial. Au loin, Jessi entendait des cris de combat : elle devait faire vite.
-Je… je ne suis pas très rapide, car je me suis blessée à la gambe droite, et du coup je n’arrive pas aller dans les premiers rangs, mentit-elle très vite, un peu trop vite…
-Ah oui ? alors pourquoi marchais-tu vers les premiers rangs, et pas dans l’autre sens ?

Jessi retint son souffle, allait-il la démasquer ?
-N’essayerais-tu pas d’échapper à la guerre pour ne pas te faire tuer… continua le garçon. Jessi reprit une bouffée d’air, elle était rassurée, le garçon ne se doutait même pas qu’elle ne venait même pas de son camp !
-…Ou ne viens-tu même pas de ce camp ?

flûte. Elle ne pouvait rien dire, de toute façon, son expression avait déjà dû la démasquer. Il sortit son frontail5 et visa la petite lumière jaune sur le front de Jessi. Elle ne l’en empêcha pas, de toute façon, elle n’avait plus aucun espoir.

-Mes doutes étaient donc justes, dit-il en rangent son frontail de nouveau dans la poche de son uniforme. Je vais devoir t’éliminer. Il visa son pistolet sur le front de Jessi lorsque le garçon snob que Jessi avait vu en salle F14 se lança devant elle.

BANG !

Il a été tué. Jessi secoua la tête en laissant couler toutes ses larmes, ce garçon qu’elle avait trouvé snob venait de sauver sa vie en se sacrifiant mais… pourquoi ? Elle ne le connaissait même pas ! Elle se sentait tellement mal… Le garçon la poussa au sol. Il ricana.

-T’inquiètes, tu vas bientôt rejoindre ton ami. Jessi était allongée sur le sol, sans défense, à moins que…

Elle fouilla dans la poche de son faux uniforme de l’autre camp.
-C’est ça que tu cherches ? Demanda le garçon avec un sourire narquois aux lèvres pendant qu’il secouait l’arme de Jessi devant ses yeux. Ok. Elle était officiellement sans défense. 
-Tu m’as l’air bien surprise qu’il t’ait sauvée, reprit le garçon. Pourquoi ? Je crois savoir. Toi, tu ne le ferais jamais pour un autre. Tu crois que la guerre, c’est chacun pour soi. Tu n’es qu’une égoïste et c’est pour ça que tu dois disparaitre de ce monde.
Il pointa son pistolet sur le front de Jessi.
-Un dernier souhait ? Demanda-t-il. Il ne la tua pas brutalement, il avait du respect pour elle. Peut-être même que s’il n’y avait pas eu cette maudite guerre, ils auraient pu devenir amis ? Jessi repensa à ce qu’il venait dire. Elle était égoïste. Était-ce vrai ? Elle pensa à Clara et madame van de Bergen qu’elle avait laissée tomber. Égoïste. Le fait qu’elle n’avait même pas pensé à aider ses camarades de combats. Égoïste. Et son père qu’elle n’avait pas réussi à sauver… Son… père ?
-J’attends, fit le garçon.

Il y avait peut-être encore une chose qu’elle pourrait faire pour son père…
Sa promesse.

-Lorsque je tomberai, je me relèverai, murmura Jessi. Elle l’avait dit si doucement qu’elle doutait que le garçon ait compris ce qu’elle avait dit.
-Quoi ? Allez, dis vite pour que je puisse t’achever.
-Lorsque je tomberai, je me relèverai !
Répéta Jessi haut et fort. A présent, elle avait fait son dernier souhait et le garçon s’autorisa à tirer. La seconde suivante passa très vite : En même temps que le garçon pressa sur le bouton, Jessi roula sur le côté, esquivant le missile qui tua quelqu’un derrière elle qui venait de la propre équipe du garçon. Pendent sa roulade, Jessi s’était relevée. Le garçon, sous le choc d’avoir tué quelqu’un de sa propre équipe, ne remarqua même pas que Jessi récupéra son arme et la sienne. Elle l’attrapa par derrière et le Teint fermement.
-Alors ? Souffla Jessi à l’oreille du garçon. Cela fait comment d’être responsable de la mort d’un de tes camarades ? Elle ne l’avait pas dit avec méchanceté, mais plus-tôt avec un mélange de compassion et de tristesse. D’une main tremblante, elle pointa son arme sur la tempe du garçon et actionna le bouton. Une larme coulant sur sa joue, elle laissa tomber le corps sans vie du garçon, pourtant, une fois que le garçon fut au sol, elle ne pensa plus une seconde à lui : il était temps de passer à l’action. Elle courut, en s’approchant de plus en plus du premier rang. D’autres l’avaient remarquée et essayaient de la tuer, mais elle était plus rapide, plus forte, et elle sut esquiver les attaques. Chacune de ses mains armées, elle appuya sur les boutons qui actionnèrent le feu. Elle se rapprocha de plus en plus de la boite argentée… encore cinq pas, deux, un… Sa main était à deux doigt d’effleurer le coffret… Jessi ressentit une douleur aigue mais courte dans son dos.

  1. Une alarme pour indiquer que c’est l’heure d’aller à la guerre, en peu comme la sonnerie : tous deux sont faits pour nous démoraliser.
  2. Un détecteur de camp, une sorte de lampe de poche et lorsqu’on vise le front de quelqu’un, on peut voir de quel camp il vient.

 




Envoyé: 23:53 Thu, 28 October 2021 par: MOONS Egline