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Na Ruixi

Les murailles théodosiennes: prèsque impénétrables

Je me souviens du jour où mes parents ont annoncé :

« Les enfants, on déménagera à Constantinople. »

Mon frère Théophile n’a jamais été plus joyeux, mais moi, j’ai réagi différemment :

« Mais ce n’est pas juste ! Pourquoi dois-je quitter notre belle Césarée et tous mes amis pour habiter à la capitale? Je ne veux pas ! »

J’ai protesté véhémentement mais c’était inutile. Après environ une semaine, nous sommes partis pour Constantinople, la ville la plus grande et plus riche de l’empire romain, peut-être même le monde entier.

Sur la route, en voyant que j’étais déçue, Théophile m’a approché et me disait :

« Sois pas triste, chère Eudoxie, tu découvriras que nos vies sont en train de s’améliorer ! Tu n’as pas remarqué que, soit les Huns d’Attila, soit les Avars, Constantinople n’a jamais été prise par une armée barbare ?  Elle est une ville impénétrable. En ces temps turbulents, avec notre guerre contre les sassanides, notre capitale sur le Bosphore offre plus de sécurité que les cités d’Anatolie, et nous en avons besoin. »

Il avait raison, mais je n’étais pas complètement satisfaite avec son explication. Je lui ai demandé : « Et pourquoi est la ville impénétrable ?  C’est à cause de la magique ou quoi ? »

« Je crois que c’est plutôt grâce à la sagesse des hommes, pas la magique. » il m’a répondu, « Tu sais les murailles théodosiennes, non ? Elles nous ont bien servi dès le règne de Théodose II. Aucune armée peut les briser. Les gens de Constantinople ont construit ces merveilles et maintenant qu’on va habiter là-bas, on peut tous profiter de leur protection. »   

Les murailles théodosiennes ? « Ah oui… oui je les connais. » En réalité, c’était la première fois que je les ai entendus. J’avais seulement 7 ans, après tout.  

Mais Théophile, mon frère ainé, a toujours été un garçon sage, et il savait que je lui ai menti. Il a souri et il m’a promis de me montrer ces murailles. Il a tenu sa promesse.

Un mois plus tard, nous sommes venus devant les murailles, Théophile et moi. Le triple mur théodosien se trouve à l’ouest de Constantinople, et nous avons quitté la ville pour le voir clairement. Théophile a commencé de m’expliquer passionnément :

- Alors Eudoxie, tu m’as demandé pourquoi est la ville imprégnable ? La réponse est juste devant toi. Observe bien, combien de murs composent ces murailles ?

- Je vois trois.

-  Oui, on a un mur principal intérieur, un mur extérieur et un troisième petit mur. Tu vois qu’il y a aussi un fossé devant le petit mur ?

- Certainement, on l’appelle « la douve », non ?

- Correcte. Tu sais la structure des murailles, maintenant imaginons que notre ville est attaquée par des hordes de barbares. Ils nous approchent de l’ouest, et le premier chose qu’ils voient est le triple mur, derrière une douve qui mesure 20 mètres de largeur. S’ils sont intelligents, ils vont abandonner la conquête et retourner chez eux, car ils savent déjà qu’un assaut sur ces murailles leur coûtera cher.

- Et s’ils lancent un siège quand même ?

- Ils vont essayer en vain. Comme il n’existe pas d’armes de siège pour craquer ces murs d’une distance dans cette époque, le seul moyen d’accéder à la ville est de grimper le mur principal intérieur. D’abord ils doivent traverser la douve, qui fait 10 mètres de profondeur. En nageant dans la douve, les ennemis ne peuvent pas se protéger contre les défenseurs derrière le petit mur, sur le mur extérieur ou dans les tours du mur intérieur qui leur lancent des projectiles. Les pertes de l’ennemi seront nombreuses.

- Mais s’ils réussissent à construire des ponts sur la douve, et la majorité d’attaqueurs traversent le fossé rapidement, avant la destruction des ponts par nos soldats, il sera facile de grimper le petit mur et ensuite les deux prochains, non ?

- Pas exactement. Le petit mur est seulement 1,5 mètres de hauteur, mais tu ignores que le mur extérieur mesure plus de 8 mètres de hauteur. Les humains ne sont pas capables de les escalader sans l’aide des échelles de siège. Je doute que les attaqueurs ont assez de temps pour transporter leurs échelles au bas du mur extérieur avec la vitesse que tu as décrit.

- Ah oui, tu as raison.

- Même si miraculeusement, ils prennent le mur extérieur, je ne vois pas comment ils peuvent surmonter le mur principal. Ce mur, si solide et si haut, est le mieux défendu des murailles théodosiennes. Avec les 96 tours de défense qui constituent cette méga structure de 5 mètres d’épaisseur et 12 mètres de hauteur, et l’entièreté du mur, tous deux remplis de défenseurs courageux, c’est surement impossible pour n’importe quelle armée de la monter. Ai-je tort quelque part ?

- Wow ! Non, c’est vrai ce que tu as dit ! Ces murailles sont vraiment inpénétrables! Je le vois maintenant.

- Très bien ! Revenons à notre imagination. L’ennemi est laissé avec deux derniers options pour prendre la ville, car on a vu qu’un assaut frontal par terre est désastreux : soit ils continuent avec le siège et essaient d’affamer la ville dans la soumission, soit ils attaquent de la mer. Mais Constantinople est une ville pleine de ressources, notre approvisionnement alimentaire est meilleur que celui des ennemis. C’est possible qu’ils souffrent de la faim plus tôt que nous.

- Quelle ironie ! Je crois que l’autre option ne leur va pas non plus ?

- Il faut premièrement une flotte pour lancer une attaque navale, et la plupart des peuples qui nous menacent ne l’ont pas. Souviens-toi aussi que la marine romaine est la meilleure de la méditerranée, elle repoussera toute menace maritime pour nous. En conclusion, personne ne prendra notre Constantinople, la Reine des Villes, au moins dans un avenir prévisible. N’oublie pas que tu as de la chance comme citoyenne de la capitale maintenant.

Et moi, je n’ai pas oublié notre conversation. Théophile m’a totalement convaincu que notre décision de déménagement était sage.  

3 ans plus tard, notre empereur Héraclius a conclu la longue guerre contre les perses sassanides victorieusement.  Il semblait que la paix a finalement été restauré dans l’empire, qu’il n’y avait aucun danger qui nous attend. Nous étions tous terriblement trompés, car une nouvelle menace a émergé bientôt. Les tribus de l’Arabie ont unifié sous l’islam il y a quelques ans, et ils ont commencé leur conquête. Les prochaines décennies étaient terrifiantes, nous avons perdu les provinces de la Palestine, la Syrie et l’Egypte si rapidement.

Je suis une adulte maintenant, et j’ai mes propres enfants, qui ont grandi dans une époque où notre empire souffre d’attaques fréquemment. On entend des mauvaises nouvelles très souvent, donc ils craignent naturellement qu’un jour, Constantinople sera conquis par les arabes. Mais moi, je sais bien que les défenses de la ville vont résister n’importe quel siège, et je ne voudrais pas que mes enfants vivent dans la peur chaque jour. Je crois que c’est le temps pour les assurer de la sécurité offerte par la ville.

« Alexandre, Ioannis, » dis- je, « savez-vous que Constantinople, la Reine des Villes, est imprégnable ? »

Les garçons sont choqués. « Tu es sérieuse, maman ? Aucune ville est imprégnable, les arabes vont trouver un moyen de nous conquérir, comme ils font toujours. Quelle est la spécialité de notre ville alors ? »

Je leur souris et dis : « Venez avec moi, je vais vous montrer nos murailles théodosiennes. Aucune autre ville a quelque chose similaire… »


 




Envoyé: 23:43 Sun, 31 October 2021 par: Na Ruixi