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Dine Maelle

Mon admirateur secret

Mon admirateur secret

 

A celle que j’aime

 

Dans ta mémoire immortelle,

Comme dans le reposoir

D’une divine chapelle,

Pour celui qui t’es fidèle,

Garde l’amour et l’espoir.

 

Garde l’amour qui m’enivre,

L’amour qui nous fait rêver ;

Garde l’espoir qui fait vivre ;

Garde la foi qui délivre,

La foi qui nous doit sauver.

 

L’espoir c’est la lumière,

L’amour, c’est une liqueur,

Et la foi, c’est la prière.

Mets ces trésors, ma très chère,

Au plus profond de ton cœur.

-    Nérée Beauchemin (1850–1931)

Ton admirateur secret <3

 

Je retenais mon souffle depuis bien trop longtemps maintenant. Ma bouche était toute sèche et j’étais incapable de mettre un mot sur toute cette situation, car je ne comprenais rien de ce qui se passait. Mon cerveau essayait de traiter l’information le plus précisément possible mais c’était comme si, à ce moment précis, il s’était éteint et ne voulait plus redémarrer.

Je retournai la feuille pour vérifier que ce poème m’était bien adressé. Effectivement, mon prénom ainsi que mon nom de famille étaient inscrits sur le revers de la feuille. Je repliai la feuille en quatre comme je l’avais trouvée entre mes classeurs en revenant des cours en fin d’après-midi, la reposai sur mon bureau et commençai à faire les cents pas dans ma minuscule chambre.

Des millions de questions traversèrent mon esprit en un temps record, mais je ne trouvai aucune explication plausible. Qui avait bien pu écrire ces mots si doux, avec autant d affection ? Quand me l’avait-t-il donné ? Pourquoi n’avais-je rien remarqué ? Que me trouvait-il ?

De l’excitation se mélangeait à l’angoisse. Puis la rage s’incrusta à cette apocalypse de sentiments qui régnait en moi. J’étais angoissée de ne pas savoir qui m’avait écrit ces mots si doux, excitée de savoir qu’un garçon m’aimait – et  pas qu’un peu vu les mots qu’il avait utilisés – et enragée de ne pas avoir été plus attentive à ce qui se passait autour de moi. Mais je sentais surtout mon cœur fondre, tel une guimauve trop près du feu.

 

Le lendemain matin, en me levant, je me jurai de découvrir qui était ce garçon, coûte que coûte.

En classe, j’observais chaque personne qui se trouvait à moins de dix mètres de moi en scrutant chacun de ses faits et gestes. Personne ne me parut très suspect, mais je ne devais rater aucun détail pour éviter de commettre la même erreur une deuxième fois.

A la pause de midi, je n’en pouvais plus de garder ce secret pour moi, alors je décidai d’en parler à mes amies. Elles étaient dans une conversation profonde, tout en engloutissant leur sandwiches.

-       Je dois vous dire quelque chose, leur déclarai-je.

Elles se turent en un claquement de doigts et me fixèrent en faisant de grands yeux. On entendait plus que les élèves passer dans les couloirs en se racontant leurs derniers potins. De voir mes amies comme ça me faisait un peu peur.

-       Hier…, commençai-je. Hier, quelqu’un m’a glissé une déclaration d’amour dans mon sac, je leur avouai en un souffle.

-       QUOI ??, s’écrièrent-elles toutes en même temps.

Je sortis le poème de mon sac et leur lus à voix haute le poème anonyme que j’avais reçu la veille.

-       Oh mon dieu, n’en crut pas Alice.

-       C’est trop mignon, fondit Eloïse.

-       Pourquoi ça n’arrive toujours qu’aux autres, gémit Raphaëlle.

C’était un brouhaha énorme. C’est à ce moment précis que Louis et toute sa clique décidèrent de passer devant nous et nous dévisagèrent comme si nous étions des phoques en train d’exécuter un numéro de cirque. La façon dont ils nous regardèrent était plutôt compréhensible, car nous fîmes encore plus de bruit que d’habitude.

-       Calmez-vous, ordonnai-je aux filles toute en rigolant, gênée. Tout le monde nous regarde à cause de vous.

Louis était le garçon qui faisait chavirer mon cœur à chaque fois que je le voyais. Avec ses cheveux bruns, légèrement châtains au reflet du soleil, ses yeux bruns chocolat avec des pépites dorées tout autour de l’iris et son sourire de dieu grec qui faisait apparaître des plis sur ses joues, c’était normal que je perde tous mes moyens dès que j’occupais la même pièce que lui. J’étais tombée sous son charme dès le premier jour où je l’avais vu. Ç’était il y a un peu plus d‘un an maintenant, mais mes sentiments pour ne cessèrent de grandir avec le temps…

Mes amies marmonnèrent quelques excuses incompréhensibles et commencèrent à poser des hypothèses : qui pouvait être mon admirateur secret ? Pourquoi un poème anonyme ? Et cela dura tout le reste de l’après-midi. A croire qu’il n’existait rien d’autre que ce garçon mystère. Bon, je dois avouer que je ne faisais que penser à lui moi aussi.

En fin d’après-midi, je me dirigeai vers mon casier pour prendre les livres dont j’avais besoin pour mes devoirs. Quand je l’ouvris, j’y découvris un Post-it qui avait dû être glissé par les petites ouvertures. Une citation y était notée :

 

Tu es ma

première pensée

le matin, et ma

dernière le soir

 

En lisant ces mots, je ressentis une multitude de papillons dans le ventre et j’eus tout chaud au cœur. C’était la même écriture que celle du poème que j’avais reçu la veille, le même garçon mystère.  Soudain, mon téléphone se mit à vibrer et le numéro d’Eloïse s’afficha sur mon écran. Je décrochai dans la seconde même.

-       Oui ?

-       Tu fais quoi ? me demanda Eloïse inquiète. Si tu te grouilles pas, le bus va partir sans toi.

-       Je fais vite, lui répondis-je.

Je glissai mon téléphone dans ma poche, rangeai les livres dont j’avais besoin dans mon sac, me le mis sur le dos et refermai mon casier avant de me rendre en courant à toute vitesse à l’arrêt de bus et réussis à le rattraper juste avant qu’il ne démarre. Hors d’haleine, je montai dans le bus et m’assis à côté de mon amie dans le fond.

-       Je suis là, déclarais-je essoufflée, et je dois te montrer quelque chose, lui annonçais-je toute excitée.

 

 

Pour le dîner, maman nous avait préparé des steaks et des petits pois. Moi j’avais droit au dressage de table. Pendant tout le repas je m amusais a dessiner, a l aide de ma fourchette, des petits cœurs de toutes tailles avec ces petits légumes verts, tout en repensant a mon garçon mystère. Qui es-tu ?

-       Je dois me rendre plus tôt que d’habitude au travail demain matin pour ranger de la paperasse, me sortit mon père de ma rêverie. Je peux te déposer en voiture au lycée si tu veux, me proposa mon père.

-       Oh oui s’il te plaît, lui répondis-je. Merci papa, c’est gentil.

-       Tu seras sur place vers 7h30. Ça ne te dérange pas ?

-       Non, pas de problème.  

Cette nuit là, j’avais beaucoup de mal à trouver le sommeil. Je me retournais dans tous les sens en ne cessant de repenser à ces mots que j’avais trouvés dans mes affaires.

Mon père me déposa en voiture au lycée et comme prévu, à 7h30, j’étais au lycée.

Comme j’avais encore du temps devant moi avant que mes amies arrivent, j’allai chercher les livres dans mon casier pour le cours de huit heures. Quelle fut ma surprise en découvrant Louis devant mon casier, en train de plier un papier, identique au précédent, en quatre et de le glisser dans une des fentes de la porte en métal.

Lorsque qu’il se retourna et que nos regards se croisèrent, mon cœur battit à mille à l’heure et la chaleur me monta jusqu’aux oreilles. Il me fit le plus beau de tous les sourires et je le lui retourna de tout mon cœur.

 

Est-ce que nous allions vivre heureux jusqu’à la fin des temps, nous marier dans une grande église, avoir pleins d’enfants et nous promener dans des parcs, main dans la main avec une canne dans l’autre comme dans les contes de fée ?

Eh bien malheureusement nous ne le saurons jamais puisque cette histoire se termine sur ces mots si doux, mais ce qui est sûr, c’est qu’à ce moment-précis je sus que j’étais la plus heureuse de toutes les filles au monde, et même au-delà, de tout l’univers.

 


 




Envoyé: 17:35 Tue, 14 March 2023 par: Dine Maelle